vendredi 7 juin 2013

Nord-Kivu : Victime de la démocratie, le député provincial Jaribu Muliwavyo témoigne de son calvaire.


Connu du grand public nord-kivutien pour ses prises de position fermes concernant la gouvernance démocratique en province, (question orale avec débat aux mandataires des entreprises publiques, motion de censure de défiance au gouverneur de la province, contrôle parlementaire, etc.) l’élu de Béni, Jaribu Muliwavyo a vu sa liberté d’expression et de mouvement entamée depuis plusieurs mois déjà et ce, sous l’œil indifférent des autorités compétentes.

Musellement, jugements extrajudiciaires, menaces d’arrestation, attaque armée qu’on attribue à des bandits inconnus et perquisition de sa résidence, il nous a livré, avec peine, sa part de vérité quant à ce. Une main noire manigance toutes ces scènes macabres pour l’affaiblir et le tuer politiquement. Il y a plus : On cherche à le coincer dans ses actions, pourtant saluées par nombre d’habitants du Nord-Kivu qui considèrent naïvement que tout député est censé porter le fardeau et les soucis de ses électeurs : construction des Routes, travaux d’adduction d’eau potable à la population, créer des emplois, etc. Nous vous livrons ici l’interview qu’il a bien voulu accorder à Chantal Faïda, sans se faire supplier.

 

Chantal Faida (Ch. F) : A votre avis qu’est- ce qui serait à la base de votre psychose  et nouvelle vie de clandestinité pour vous et vos dépendants actuellement?

Jaribu Muliwavyo (J.M) : Désolé que la situation aie évoluée et aie prit des allures qui frisent à instaurer une situation de non loi et de violence.Pour rappel : Tout a commencé avec  l’interpellation que j’ai adressée au coordonnateur provincial  du Foner (Fonds National d’Entretien Routier. ndlr). Ce dernier a fait savoir que des sommes colossales ont été décaissées pour réhabiliter les routes d’intérêt provincial et que, par voie de conséquence, devait faire intervenir le gouverneur pour d’amples explications. Voulant me lancer dans ce jeu démocratique, voulu par toute la population qui voyait les routes se détériorer du sud au nord et de l’est à l’ouest de la province, le concerné a considéré cette interpellation comme manœuvre de nuisance, craignant d’être éjecté de sa chaise de patron de la province.  

Ch. F : Si je vous comprends bien, l’objet de vos menaces actuelles se résume à l’exercice de vos missions régaliennes de député comme il se doit ? Le jeu démocratique ? Mais d’aucuns pensent que c’est puisque vous travaillez en vase-clos, sans associer vos collègues. Est-ce vrai ?

J. M. : Pas du tout ! La dernière plénière où il fallait introduire la signature de la  motion de défiance contre le gouverneur qui a été l’initiative de députés de tous les horizons, majorité et opposition, veux je dire ; témoignent qu’un bon nombre d’élus sont sensibles à la mauvaise gestion dont la population du Nord-Kivu est victime. C’est pourquoi des mécanismes pour museler l’Assemblée Provinciale notamment, les perquisitions, les jugements hors-la-loi et les attaques des résidences des députés sont entrepris. Tout ceci vise à intimider, faire peur et empêcher que les élus ne jouent plus correctement leur rôle. Voilà à quel niveau je situe les trois dernières attaqués contre ma résidence et dont deux dernières ont fait la Une des débats de rues en province, au pays et ailleurs. Mais,  nous ne nous fatiguons pas car le peuple souffre  de cette megestion lui imposée par ceux qui sont  à la tête de la province. Je ne suis pas le seul.

Ch. F : La province est gérée dans la mal gouvernance totale,  avez-vous dit. Devenir gouverneur du Nord-Kivu, est- ce que ce poste vous tente t-il?

J. M :  (Sourire ndlr). Non ! Pas du tout. Je n’ai pas cette ambition. Ma carrière de professeur me suffit. Néanmoins, tant que je jouis de la confiance du peuple qui m’a donné son mandat, j’ai l’obligation d’agir conformément à sa volonté. Le contraire, c’est une trahison, ce qui est contre les bonnes mœurs. Toute fois, je suis de ceux qui croient que le pouvoir provincial actuel au Nord-Kivu ne convient plus pour les nord-kivutiens du fait de sa sclérose (immobilisme) mais aussi de sa manducation politique (politique du ventre) qui se lit dans le chef de celui qui le dirige. Nous plaidons donc pour un nouveau souffle, une nouvelle vision.

Ch. F. : Avez-vous une idée ou proposition éventuelle à l’endroit des forces de l’ordre, à mettre en œuvre, pour que vous puissiez recouvrer votre liberté ?  

J. M. : J’ai besoin de la sécurité autant que toute la population du Nord-Kivu. La démocratie veut que la population puisse jouer correctement son rôle civique. Elle doit pousser le parlement provincial à finaliser la démarche déjà entamée au travers d’une pétition populaire et la motion de députés qui, malheureusement, trainent dans les tiroirs du Bureau de l’Assemblée Provinciale, on ne sait pour quelle raison. Ce sont des actions constitutionnelles. Les choses doivent changer en commençant par la tête de la province, car le poisson commence à pourri par la tête, dit-on. Ce qui reste c’est de louer et de remercier le soutien dont  j’ai été bénéficifaire de la part  de la population pendant les moments difficiles. Prenons courage !

Ch. F. : Vous êtes de la même ethnie (Nande) avec l’actuel gouverneur de province Julien Paluku Kahongya. Vraisemblablement le« kihanda » (entendez mutualité des membres de l’ethnie nande) vous considère comme un enfant égaré des yira (autre appellation de l’ethnie nande). Votre opinion quant à ce ?  
J. M. : Les communautés dans une action parlementaire ? Je ne pense pas. Mais si cela était possible, les nandes seraient les premiers à soutenir toute action contre le pouvoir actuel du Nord-Kivu. D’abord à travers tous les enlèvements en territoire de Beni (526 cas) de 2011 à nos jours, les assassinats à Beni et à Lubero. Les incendies  dans la région de Kanyobayonga (2308 maisons). Voilà le bilan non exhaustif du règne de Julien Paluku dans le milieu Nande. Sans compter le nombre d’assassinats dans les deux villes Beni et Butembo. Le peuple Nande n’est pas aveugle pour soutenir ces atrocités.

Ch. F : Merci
Jaribu Muliwavyo : Tout le plaisir était pour moi.

Propos recueillis par CH. F.
Bloggeuse.


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