jeudi 4 avril 2013

À Goma, "l’absence de Ntaganda ne va rien changer"


La reddition de Bosco Ntaganda et son transfert au siège de la Cour pénale internationale alimentent encore les discussions dans les rues de Goma au Nord-Kivu.

Cet article a d'abord été publié sur RNW, le 26 mars 2013.
Par Chantal Faida, Goma
Certains saluent l'événement en espérant la réparation des dommages cau
sés par celui qu’on surnomme Terminator, alors que d’autres, par contre, restent indifférents et estiment que le problème est ailleurs. Ils ne croient pas à l’extirpation d’une seule personne dans le contexte des guerres récurrentes au Nord-Kivu depuis plusieurs décennies déjà.
Fin de l’impunité"Ntanganda n’est pas n’importe quel personnage. Deux mandats d’arrêts internationaux : celui d’août 2006 et de juillet 2012 à son encontre. Il est l'auteur de plusieurs crimes et il a enrôlé plusieurs enfants dans les rangs des groupes armés en Ituri en Province orientale en 2002 et au Nord-Kivu depuis 2009. Je salue avec deux mains sa reddition et j’espère que justice sera rendue par la Cour pénale internationale aux victimes. Finie l’impunité", affirme avec enthousiaste Samuel, jeune étudiant de Goma.
"Pour une fois, le Rwanda et les USA soutiennent les efforts de paix en RDC. Je pense que l’Accord-cadre du 24.02.2013 signé à Addis Abeba y est pour quelque chose,  atteste Jules, analyste indépendant. Les pays signataires de cet accord ont pris l’engagement ferme de ne pas héberger ni fournir une protection de quelque nature que ce soit aux personnes accusées de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, d’actes de génocide ou de crimes d’agression, ou aux personnes sous le régime de sanctions des Nations unies. Le gros du travail qui reste à faire est de sanctionner les camarades de Bosco Ntaganda à l’instar de Jules Mutebusi, Laurent Nkunda etc., qui jouissent des largesses de la communauté internationale."
"Etablir le niveau de responsabilité de tout un chacun"
Karim, à la recherche d'un emploi, attend un éventuel verdict avec impatience : "Lors de sa comparution à La Haye, il devra nécessairement dévoiler ses alliés rwandais et congolais et on saura qui est responsable de quoi dans les guerres récurrentes et incessantes à l’Est de la RDC. Je suis impatient et j’attends le verdict qui sera rendu sur le dossier Ntaganda."
Et Karim d'en appeler à Fatou Bensouda : "Que la procureure de la CPI Fatou Bensouda fasse preuve de rigueur et de perspicacité afin d’établir le niveau de responsabilité de tout un chacun dans le conflit congolais."
"La justice ne vas pas ressusciter les morts"
"Pourquoi il a pris tout son temps avant de se rendre ou soit avant que la communauté internationale ne mette lui mette la main dessus ? Six ans durant, il a commis d’autres crimes de guerre et crimes contre l’humanité graves qui peut-être n’auraient pas eu lieu ? La justice ne vas pas ressusciter les morts innocents ou consoler les familles des victimes de crimes odieux qu’il a commis", se désole Carine, commerçante à Goma.
Pour Jean Robert, "en tout cas, les populations de l’Est de la RDC ne se font aucune illusion : l’absence de Ntaganda ne va rien changer à leur situation."
Le soleil qu’est la justice apparaîtra
Certes, les acteurs politiques au Nord-Kivu, à Kinshasa et à Kigali restent les mêmes, la rébellion du Mouvement du M23 sévit toujours en territoire de Rutshuru en attendant l’aboutissement des pourparlers en cours à Kampala,  et d’autres milices pullulent dans la région instable du Nord-Kivu.  Mais l’on peut affirmer sans peur d’être contredit que toute aventure, aussi atroce soit-elle,  a une fin. Quelle que soit la longueur de la nuit pour les victimes ; le soleil qu’est la justice apparaîtra.

lundi 1 avril 2013

Journée mondiale de l’eau : Tableau sombre de pénurie d’eau à Goma


En ce 22.03.2013, le monde entier célèbre le 10ème anniversaire de la journée internationale de l’eau.

Il n’est un secret pour personne que la RDC regorge près de 40% de réserves mondiales et plus de 20% de réserves africaines d’eau. Mais, l’ironie du sort est que plus de trente quatre millions de congolais n’ont pas accès à l’eau potable ; selon le rapport 2013 de l’Unicef-RDC (Fonds des Nations Unies pour l’Enfance ndlr).
En Province du Nord-Kivu, plus généralement et dans la ville de Goma particulièrement la carence d’eau demeure un calvaire et qui pis est, un désastre pour les habitants. Dans la majorité des quartiers de Goma, l’eau est quasi absente sur les robinets. Du coup la population recours à l’eau de pluie pour faire face à cette pénurie ; avec tous les risques de maladie hydrique (choléra surtout) que cela court. 
Vie de désert au bord du Lac
« La dernière fois que l’eau a coulé dans mon robinet remonte à Janvier 2002, peu avant l’éruption du Volcan Nyiragongo. Ma famille est désormais abonnée aux services des vendeurs ambulants d’eau sur des vélos. Cela me coûte énormément cher car je débourse par jour près de 1.200 FC en raison de 200 FC par bidon de vingt litres. » Se désole Guilaine, ménagère résidant à Katindo.
« Pour raison de rationalité de la petite quantité d’eau acquise hors prix auprès des tanks des privés ; désormais, la lessive domestique est faite en série. C'est-à-dire que les habits des parents sont lessivés en premier ; car moins sales, ensuite viennent ceux des aînés et enfin les habits des cadets. A cela, s’ajoute, le bain à manches courtes pour les enfants garçons. Pour signifier que les membres inférieurs et supérieurs sont priorisés. C’est vraiment catastrophique alors que le lac Kivu est juste en face de nous. » Fustige Amani, habitant du quartier Ndosho.
« Je me réveille chaque jour à cinq heures du matin pour aller chercher l’eau potable à la plage du peuple. Par moment on croise les militaires en patrouilles sur nos chemins. Ils nous intimident et menacent de viols. Depuis lors, je m’associe à d’autres jeunes filles de mon quartier pour aller puiser. Et comme si cela ne suffisait pas, l’eau manque au Lac. Les tanks d’eau aménagés par l’ONG Oxfam sur le lieu, ne sont pas alimentés en eau potable par manque de carburant du moteur alors que nous payons 50 FC par bidon de vingt litres. La gestion de ces recettes par la Regideso laisse à désirer.  Où va cet argent ? S’interroge, bidon au dos, Fifi, la vingtaine révolue.
« L’accès à l’eau potable est un droit inaliénable en RDC. La population doit donc penser à se prendre en charge au travers des manifestations non violentes – marches pacifiques, déclarations publiques etc. - pour revendiquer l’accès à l’eau potable. » Propose Gautier Misona, président la société civile, ville de Goma.

Regiso et SNEL, jet de responsabilité mutuel
«  Plus question de temps, l’eau coulera dans les robinets des quartiers non servis en eau. Nous sommes passés de 10 à 40% de desserte en eau potable dans moins de 7 ans. Nous avons signé des contrats de partenariat avec plusieurs bailleurs de fonds ; à l’instar de Mercy Corps. Nos équipes sont à pieds d’œuvre pour remplacer les anciennes tuyauteries rouillées et installer des nouvelles là où il y a en avait pas. Néanmoins, nous avons demandé aux habitants servis de revendre le bidon d’eau à 50 FC, deux bidons de vingt litres.» Déclare Déo Kabiona, Directeur Provincial de la Régie de Distribution d’eau à Goma (REGIDESO ndlr).
« L’autre problème réside au fait que la SNEL (société Nationale d'électricité)  ne nous alimente pas en énergie électrique suffisante et régulière pour faire tourner nos machines. Nous recourons aux groupes électrogènes pour alimenter quartier par quartier pendant quelques heures. Et cela nous coûte extrêmement cher. Que nos clients paient leurs factures à temps pour que nous puissions bien travailler.» Conclût-il.
L’eau c’est la vie dit-on.  Les autorités compétentes feraient mieux de travailler pour donner sens à ce dicton et éviter qu’il ne demeure creux aux oreilles de la population.   « C'est en améliorant son image que l'on améliore ses performances.» Disait Aristote

Ch. F.
22.03.2013