Radio Okapi
Le vice-président de la filière de l’étain à la chambre de mines de la
Fédération des entreprises du Congo (Fec), John Kanyonyi, a déploré la
manière dont est appliquée la loi américaine Dodd Franck, qui oblige les
entreprises utilisant des minerais issus de zones des conflits à publier
leur origine. «Depuis le 1er avril 2011, nous vivons une situation
d’embargo de fait», a-t-il affirmé, mercredi 29 août, dans un entretien
à Radio Okapi.
La Securities and exchange commission (Sec) a en effet décidé, la
semaine passée, qu’à partir du 31 mai 2014 les entreprises qui utilisent
l’or, le tantale, le tungstène et l’étain devraient lui fournir un
rapport pour indiquer l’origine des ces minerais. Il s’agit d’une
décision d’application de la disposition 1502 de la loi américaine Dodd
Franck de réforme de Wall Street et de protection du consommateur
promulguée en 2010.
Agathe Mpona: John Kanyonyi, comment réagissez face à cette décision de
la Securities and exchange commission ?
John Kanyonyi: Nous avons pris contact à plusieurs reprises, à travers
la Fédération des entreprises du Congo (Fec) où je représente la filière
stannifère, [avec les responsables américains]. Nous leur avions dit que
leur loi nous posait problème. Si l’esprit de la loi en soit était à
louer, ses mesures d’application tombaient de manière subite.
Depuis le 1er avril 2011, nous vivons une situation d’embargo de fait;
Cette loi a poussé les consommateurs américains à se désengager de notre
pays étant donné qu’on n’avait pas encore mis en place le mécanisme dit
‘de diligence raisonnable’.
Alors qu’avec l’appui de notre ministère de Mines, nous avons déjà
assaini le secteur sur trois volets: la traçabilité des minerais, la
diligence raisonnable et la certification régionale, cette loi est venue
pratiquement en porte-en-faux et a remis en cause toutes ces
initiatives. D’autant plus qu’à travers l’OCDE, nous étions déjà engagés
à discuter avec tout le monde, y compris les Etats-Unis d’Amérique.
AM: Donc, selon vous, cette disposition tombe mal alors que le
gouvernement congolais et vous, ses partenaires, vous étiez déjà en
plein processus de traçabilité
JK : Ah oui ! Au niveau du Katanga, ont est déjà très en avance. Il y a
une initiative de la traçabilité, qui a été mise en place par
l’industrie de l’étain. Elle fait quand même que les opérateurs
économiques établis au Katanga aient toujours accès au marché international.
En outre, le Gouvernement a assaini le secteur à travers beaucoup de
dispositions légales. Nous nous sommes engagés surtout à adopter le
Guide de diligence raisonnable de l’OCDE, qui est aussi celui des
Nations unies et de la CIRGL. Et nous avons pratiquement adopté la
réponse du concept ‘minerais du conflit’.
Cette loi américaine concerne les opérateurs américains et ceux qui sont
côtés à la Bourse des Etats-Unis, mais avec un impact négatif sur
presque toute la partie orientale de notre pays. [Elle entraine] des
conséquences fâcheuses sur la vie des milliers de Congolais qui
dépendent de l’exploitation minière et sur l’assiette fiscale de l’Etat.
AM: Est-ce qu’avec la situation de guerre dans l’Est du pays, tout le
travail que vous avez fait en amont ne tombe-t-il pas caduc ?
JK: Notre position est claire : si nous devons respecter scrupuleusement
les guides de diligence raisonnable, qui ont été adoptés par notre
Gouvernement aussi, dès qu’il y a un groupe armé qui contrôle n’importe
quel site, nous nous désengageons. Nous ne pouvons pas nous
approvisionner dans des zones qui sont sous le contrôle des groupes armés.
Je peux vous dire que nous nous étions désengagés du territoire de
Walikale (Nord-Kivu), parce qu’il y avait un groupe Mai-Mai qui
percevait des taxes illégales là-bas. Nous sommes en train de voir
comment nous allons requalifier ce site pour le considérer comme un site
de catégorie verte et peut-être recommencer dans les jours qui viennent.
Nous travaillons étroitement avec notre Gouvernement selon un standard
internationalement reconnu et qui est respecté par tous les acteurs, y
compris nous les opérateurs économiques.
AM: Peut-on dire que les minerais congolais qui sortent par votre
circuit ne sont pas des minerais de sang ?
JK: Aujourd’hui, il n’y a aucun opérateur qui peut oser sortir un seul
kilo, s’il n’a pas respecté les critères établis dans les guides de
diligence raisonnable; à moins de le faire frauduleusement.
AM: Est-ce que ces dispositions sont bien respectées sur le terrain ?
JK: Jusqu’à nouvel ordre, c’est bien respecté sur le terrain. Notre
ministre de tutelle a dû suspendre deux comptoirs chinois qui n’avaient
pas respecté les normes. C’est pour vous dire que la vigilance est tous
azimuts même du côté des autorités.
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